Le
Sans-papiers |
par Stéphane Lhomme
La France construit au Barp (Gironde), près de Bordeaux, un immense Laser destiné à
simuler les essais atomiques auparavant réalisés en Algérie puis dans le Pacifique.
Ce Laser, appelé Mégajoule, sera une installation unique au monde à part un équivalent également en construction aux USA. Une fierté pour la Gironde et lAquitaine : oui, cest près de Bordeaux que va naître une nouvelle génération de bombes atomiques. Mais ce laser pharaonique est encore loin dêtre construit : les travaux nen sont quà leurs débuts, menés par la société philanthropique Bouygues. Le chantier se situe dans limmense centre nucléaire baptisé CESTA, appartenant au Commissariat à lénergie atomique (CEA), situé au milieu dune forêt de pins. Depuis lextérieur, on peut voir des grues dépasser au dessus des cimes. Amusant.
Le 22 novembre, la Police des frontières déboule sur le chantier du Mégajoule et capture littéralement sept travailleurs sans-papiers, ou munis de faux papiers. Au premier abord, on peut être assez surpris : tiens, les autorités font des misères à Bouygues et au CEA ? Que se passe-t-il ? Si Bouygues ne peut plus exploiter de sans-papiers sur ses chantiers, où va-t-on ?
Mais, dans un second temps, laffaire parait plus compréhensible : le Mégajoule est une affaire dEtat. Nucléaire, bombes atomiques, défense nationale. Des terroristes pourraient se glisser parmi les travailleurs clandestins, recueillir des informations pour aider Al Qaida à programmer un attentat. Doù la descente de police. Logique.
Samedi 27 novembre. Tribunal administratif de Bordeaux. La justice est sommée de se lever un samedi matin pour faire expulser en urgence deux de ces clandestins possiblement terroristes. Le Préfet est pressé, il a décidé de la reconduite à la frontière. Deux Noirs africains comparaissent. Pour le premier, aucun espoir : pas dattache réelle en France, il na aucune chance.
Le cas du second est bien différent : présent en France depuis 5 ans, il vit avec une française, fonctionnaire du Conseil régional dAquitaine (qui soutient de toute ses forces la construction du Mégajoule). Cette dame a deux enfants, présents à laudience, nés dun premier mariage. Surprise : elle produit une attestation de son premier mari qui explique que la présence du nouveau compagnon de son ex-femme a un effet très favorable sur les enfants. Mieux : lex-mari est présent à laudience. Il soutient la demande dannulation de larrêté dexpulsion.
Lavocat du travailleur clandestin se démène. Il fait ré férence à des précédents qui, en substance, permettent de remettre en cause une décision qui créerait plus de problèmes quelle nen réglerait. Tout le monde se met à espérer : voilà un cas si exceptionnel la décision de justice peut exceptionnellement être favorable. La Présidente - car cest une présidente, une femme. sûrement sera-t-elle plus compréhensive - demande 5 petites minutes de délibéré. Elle revient presque aussitôt. Sans surprise, le premier clandestin voir sa demande rejetée. Hélas, la seconde décision est identique. Laîné des deux enfants, un garçon denviron 10 ans, séchappe en pleurant de la salle daudience. Sa maman proteste, sindigne, puis seffondre en larmes.
Près du "coupable" se tient un vieux policier, presque un papi, qui semble tout aussi accablé par le verdict. Blême, il parle à voix basse avec lAfricain. Tout le monde sort de la salle daudience. On a retrouvé le gamin. Il accompagne le policier et le sans-papier jusquau fourgon. Le policier se fait invisible. On imagine les mots de réconfort, la promesse de revenir bientôt. La justice a parlé.
Ha oui, au fait, quid de Bouygues et du CEA ? Ce dernier ny est pour rien : ce nest quand même pas lui qui va soccuper du recrutement personnel de BTP. Quant à lentreprise Bouygues, hé bien elle a été abusée par les travailleurs qui avaient des faux-papiers. Simple, non ?
Conclusion : le danger vient du travailleur Noir, pas des bombes atomiques. CQFD