Laser
Mégajoule : propagande |
Régulièrement, le quotidien régional Sud-Ouest publie d'énormes dossiers à la gloire du Laser mégajoule, et d'une complaisance inouïe pour le Commissariat à l'énergie atomique et ses activités.
Il n'est quasiment jamais question dans ces pages d'une quelconque réflexion sur la "justification" des armes atomiques et la finalité (pourtant insupportable) du Laser mégajoule.
Voici quelques exemples de cette propagande...
Sud-Ouest jeudi 24 mai 2001
L'imposant chantier du laser
Mégajoule, qui fonctionnera en 2008 pour 6 milliards de francs d'investissements, avance.
Dans un mois, la chambre d'expérience du prototype sera installée
" Nous sommes dans les
délais. Au mois de juillet, la chambre d'expérience de la ligne d'intégration laser
(LIL) sera installée ", assure Christian Jaussein, directeur adjoint de
l'établissement aquitain du Commissariat à l'énergie atomique. Ce centre stratégique,
chargé de l'architecture industrielle des têtes nucléaires des missiles de la force de
dissuasion, accueille également le laser Mégajoule, destiné à devenir le moyen de
modélisation de la fusion thermonucléaire depuis l'arrêt des essais réels. Hier, le
CEA signait avec Réseau transport électricité (RTE) le contrat de raccordement à la
ligne à très haute tension (225 kilovolts) qui alimentera en énergie l'installation du
laser Mégajoule. Lorsqu'elle fonctionnera, en 2008, cette installation, qui concentrera
les faisceaux de 240 lasers sur une cible de 2 millimètres, aura besoin d'une puissance
de base de 18 mégawatts. Puissance qui grimpera jusqu'à 40 mégawatts toutes les trois
heures, au moment des tirs laser. UNE AVENTURE SCIENTIFIQUE PEU BANALE Le reste du temps,
cette formidable énergie électrique qui représente la consommation d'une ville de 40
000 habitants sera stockée dans une batterie de condensateurs qui n'aura pas son
équivalent en Europe. Rien n'est banal dans cette aventure scientifique de physique
nucléaire, mise en route par la France, qui y investit 6 milliards de francs en fonds
publics. Seuls les Américains se sont à ce jour lancés eux aussi dans un tel outil de
simulation. L'objectif est de modéliser les réactions extrêmement complexes de la
matière lorsqu'elle est soumise aux chocs de la fission et de la fusion nucléaires. Le
Mégajoule reproduira, à une toute petite échelle (1/10 000 000), les conditions d'une
explosion thermonucléaire lorsque les faisceaux concentreront leur énergie un
milliardième de seconde sur une bille de deutérium-tritium, qui est un isotope de
l'hydrogène. Le feu déclenché atteindra en température les 400 millions de degrés,
une chaleur comparable à celle dégagée dans la couronne du soleil. Simultanément, des
calculateurs capables d'effectuer 100 000 milliards d'opérations à la seconde là
encore, la plus grosse puissance de calcul en Europe aideront les ingénieurs au recueil
des données et dans la compréhension des phénomènes engendrés. Avant ce stade, les
ingénieurs du Commissariat à l'énergie atomique ont besoin de valider le processus.
C'est le rôle de la ligne d'intégration laser (LIL), véritable prototype préfigurant
le Mégajoule. Actuellement en cours d'assemblage, cette ligne de huit faisceaux
effectuera ses premiers essais au début de 2002 à l'échelle 1/30. Là aussi, le
chantier suit un calendrier très strict. La chambre d'expérience, qui enfermera la
minuscule cible, va être installée au mois de juillet. UN POLE DE REFERENCE MONDIALE Ce
prototype, qui ne sera pas raccordé au laser Mégajoule lorsque celui-ci deviendra
opérationnel, n'aura rempli qu'une partie de sa mission. Une autre, sans doute aussi
passionnante, sinon plus, l'attendra. La LIL a en effet vocation à s'ouvrir aux
communautés scientifiques, et notamment aux universitaires spécialistes de la physique
des plasmas et aux astrophysiciens. La région bordelaise pourrait ainsi devenir un pôle
de référence mondiale dans les domaines du plasma et des lasers. Déjà, l'université a
créé un DEA consacré à la physique des plasmas et suscité la création d'un centre
qui développe un laser de haute intensité, complémentaire du Mégajoule, dont les
retombées industrielles s'annoncent prometteuses.
Sud-Ouest - Samedi 4 aout
2001 - LASER MEGAJOULE
C'est dans cette sphère que
convergeront les huit faisceaux laser de la ligne d'intégration
Une étape importante vient
d'être franchie dans les travaux d'assemblage de la ligne d'intégration laser au Barp.
La chambre d'expériences vient en effet d'être installée dans le hall qui lui est
dédié. Les opérations se sont déroulées avec d'infinies précautions pour positionner
cette énorme sphère de 17 tonnes à quelques millimètres près sur son support. Une
précision millimétrique incontournable car c'est au cur de cette chambre que sera
placée la cible vers laquelle convergeront les huit faisceaux laser. Les premières
expériences sont toujours programmées pour la fin de cette année. Quand elle sera
opérationnelle, la ligne pourra délivrer une énergie de 60 kilojoules. Ce sera la plus
importante installation de ce type au monde. Rappelons que la ligne d'intégration laser
est le prototype destiné à valider les choix technologiques du futur laser Mégajoule,
dont la mise en service est prévue pour 2008.
Sud-Ouest - Mardi 29 janvier 2002 - LASER MEGAJOULE
Au-delà des 800 emplois
induits par le chantier de 2003 à 2010, le futur laser du Barp peut contribuer à faire
de la région une des places fortes mondiales de la recherche en physique et du
développement de certaines industries de pointe. Le gigantesque laser Mégajoule, dont la
construction démarrera l'année prochaine au Barp, et qui est destiné à simuler sur une
échelle infinitésimale certaines conditions d'une explosion thermonucléaire, va
représenter une manne pour Bordeaux et sa région. 800 salariés travailleront ainsi sur
ce chantier dès l'année prochaine et jusqu'à 2010. Au-delà de cet énorme
investissement, le Mégajoule peut contribuer à faire de la Gironde une des places fortes
mondiales de la recherche fondamentale dans l'optique et autres disciplines physiques
pointues. La création prochaine d'un Institut du laser et du plasma, officiellement
confirmée hier par le préfet Christian Frémont et les dirigeants du Commissariat à
l'énergie atomique (CEA), va dans ce sens. Mais la région profitera d'autant plus de ce
pactole qu'elle saura se mobiliser et s'unir pour en recueillir le plus de dividendes
possibles. Les représentants de l'Etat et des collectivités locales concernées (1) ont
rencontré hier Alain Delpuech, patron de la très puissante Direction des applications
militaires du CEA, en charge de la bombe atomique française. Alain Delpuech était
accompagné de Serge Durand, directeur du CESTA, l'établissement du CEA, qui accueille le
Mégajoule sur son immense site du Barp. A cette occasion, les deux hommes ont fait le
point sur le déroulement de ce programme visant à fabriquer un laser infiniment plus
puissant que tous ceux existant aujourd'hui, au point de délivrer pendant quelques
milliardièmes de seconde une chaleur comparable à celle qui existe dans le noyau
solaire. COUTEUSE MAINTENANCE D'ores et déjà, le CEA a construit sur le site du Barp un
bâtiment baptisé LIL, qui préfigure à l'échelle de 1/30 le futur Mégajoule et qui
entrera en fonctionnement fin février. La construction du Mégajoule proprement dit
devrait commencer l'an prochain. Après l'achèvement du bâtiment, long de 300 mètres et
haut d'une cinquantaine de mètres, l'installation des équipements devrait durer jusqu'à
2010. Pendant et après ces travaux, le Mégajoule induira un flux d'emplois et d'argent
considérable. Entre 2003 et 2010, 800 salariés travailleront en moyenne sur le chantier.
Il faudra ensuite en permanence quelque 400 salariés pour faire tourner cet équipement.
Quant à la maintenance, elle représentera, après 2010, une dépense annuelle de 80 à
90 millions d'euros. Le préfet et les dirigeants du CEA ont invité, hier, les
collectivités locales à faire le maximum, non seulement pour accueillir ces salariés
temporaires et permanents, mais aussi pour contribuer à ce qu'un maximum d'entreprises
liées au projet s'implantent durablement dans la région. " Il y aura des dépenses,
mais aussi des recettes fiscales à partager ", souligne Christian Frémont, qui se
réjouit de voir les collectivités apparemment plus unies sur ce dossier que sur
d'autres.
UNE " VALLEE DES HAUTES
TECHNOLOGIES " Mais l'effet Mégajoule ne va pas s'arrêter à la construction de cet
équipement ni aux expérimentations qui y seront ensuite menées par le CEA pour les
conditions des essais nucléaires. Cet outil, qui permettra d'atteindre des états
physiques sans équivalent sur la planète, sera mis à la disposition de la communauté
scientifique (astrophysiciens, etc.). Ce partage, légitime compte tenu de l'énorme
financement public (environ 1,5 milliard d'euros), va notamment se concrétiser par la
création d'un Institut du laser et du plasma, sous l'égide commune du CEA et de
l'Université. Cet organisme, installé à la fois au Barp et sur le campus, aidera les
chercheurs étrangers à préparer les expériences qui seront ensuite réalisées sur le
site. Dans le même esprit, le CEA collabore avec l'équipe de recherche CELIA
(Bordeaux-CNRS) qui, dans le domaine distinct des lasers de haute intensité, se situe
également à la pointe de la recherche. Ainsi, la LIL, préfiguration du Mégajoule,
va-t-elle héberger un laser dit petawatt délivrant un million de milliards de watts, et
qui sera, dans son genre, lui aussi le plus puissant du monde. Dans ces conditions,
au-delà des équipementiers et des sous-traitants du laser, Alain Delpuech s'est plu,
hier, à imaginer l'implantation d'entreprises spécialisées dans des domaines de pointe
(matériaux, composants optiques, composants électroniques) et qui pourraient tirer parti
des recherches menées au Barp. Quant au préfet, quasiment lyrique, il prophétise la
création d'une " vallée des hautes technologies " qui irait de l'université
de Bordeaux jusqu'au littoral Barp. On saura peut-être, d'ici à une quinzaine d'années,
si le pari est tenu.
(1) Henri Berthoumieu,
ancien directeur du CESTA, a été chargé d'animer, sur ce plan, un comité de suivi
auquel participeront notamment les agences de dévéloppement BRA et AADI.
Sud-Ouest - 6 avril 2002 -
Bernard Broustet
LE BARP. Marché du
bâtiment du plus grand laser
Jackpot pour Bouygues : Le
groupe de BTP vient en effet de décrocher le marché du gros oeuvre du futur laser géant
Mégajoule, qui sera construit au Barp. Il l'a emporté sur l'autre géant Vinci, et sur
l'entreprise béarnaise Mas. Bien que le CEA, maître d'ouvrage de l'opération, se refuse
pour le moment à préciser le montant des travaux, il semble que l'édification du
bâtiment représente à elle seule une enveloppe de plus de 150 millions d'euros. Même
s'il faut inclure dans cette somme certains marchés qui n'ont pas encore été attribués
(courants forts, courants faibles, etc.), l'essentiel de ce pactole reviendra à Bouygues.
Destiné à simuler les conditions d'une explosion thermonucléaire, le Mégajoule, qui
doit théoriquement entrer en fonctionnement en 2010, sera le plus puissant laser du
monde. Son coût total prévisionnel avait été chiffré en 1995 à près de 1 milliard
d'euros, mais ce budget initial devrait être largement dépassé. La construction ne
représente qu'une fraction de cette somme, le reste étant consacré aux équipements
sophistiqués qu'il accueillera. Mais le bâtiment aura des dimensions hors du commun
environ 300 mètres de long sur 50 mètres de haut. Le CEA a déjà construit sur le site
du Barp une réplique en modèle réduit de cette cathédrale industrielle, qui a
notamment pour but de tester les procédés laser. Le groupe béarnais Mas avait réalisé
les murs de cette " ligne d'intégration laser " (LIL). Il espérait décrocher
le gros uvre du Mégajoule proprement dit. L'attribution de ce marché n'a pas été
chose facile. Un premier appel d'offres s'était révélé infructueux. Et le CEA avait
dû revoir certaines de ses spécifications à la baisse pour ne pas trop dépasser
l'enveloppe prévue. C'est donc Bouygues qui est sorti vainqueur de cette course
d'obstacles. Le premier coup de pioche interviendra sans doute au début de l'année, le
CEA s'employant d'ici là à préparer le site pour cette aventure de longue haleine : la
construction de ce bâtiment s'étalera sur trois à quatre ans. Et, au plus fort des
travaux, quelque 800 à 900 salariés s'affaireront sur ce chantier pharaonique.
Sud-Ouest - mercredi 5 juin
2002
CEA-CESTA. -- La LIL, qui
préfigure à échelle réduite le gigantesque laser Mégajoule, a fonctionné pour la
première fois la semaine dernière
La LIL (Ligne d'intégration
laser), qui préfigure à échelle réduite le gigantesque laser Mégajoule, vient
d'entrer dans sa phase opérationnelle. Le CESTA, établissement du Commissariat à
l'énergie atomique, installé au Barp, a en effet procédé, le 28 mai dernier, au
premier essai de cet équipement. Le CEA est jusqu'à présent resté discret sur cette
expérience. Mais même si toute la puissance théorique de cette installation n'a pas
été utilisée, il semble que les choses se soient déroulées de façon satisfaisante.
Le futur Mégajoule est la pièce maîtresse du programme de simulation des essais
nucléaires mis en uvre par la CEA. Il vise à simuler certaines conditions d'une
explosion thermonucléaire en faisant converger sur une cible microscopique trente
faisceaux lasers surpuissants. La LIL a été conçue pour tester les technologies qui
seront utilisées sur ce gigantesque équipement, dont la construction démarrera l'an
prochain, et qui représentera un investissement de quelque 1,5 milliard d'euros.
L'expérience de la semaine dernière semble prouver que les technologies choisies sont
maîtrisées, du moins à cette échelle. Et même si elle ne constitue qu'une première
étape, elle concrétise plusieurs années de travail scientifique et technologique. Le
syndicat CFE-CGC de la CEA, qui a fait connaître cet événement, se félicite de ce
succès. Il affirme cependant que cette réussite est quelque peu ternie par un "
échec social ". Pour la CFE-CGC, les rémunérations des ingénieurs et des
techniciens, qui se sont beaucoup mobilisés, ne sont pas en proportion des durées de
travail effectuées. Le syndicat reproche à la direction d'avoir appliqué avec trop de
parcimonie les mesures de compensations financières des salariés transférés de la
région parisienne à l'Aquitaine.
Sud-Ouest - mardi 9 juillet 2002
LE BARP. -- La construction
du bâtiment destiné à abriter le gigantesque laser Mégajoule débutera au printemps
prochain. Ce projet devrait avoir des incidences économiques considérables
Le gigantesque projet de
laser Mégajoule, destiné à simuler les conditions d'une explosion thermonucléaire, va
entrer prochainement dans le vif du sujet. Le préfet, Christian Frémont, et Alain
Delpuech, directeur des applications militaires au CEA (Commissariat à l'énergie
atomique), ont indiqué, hier, que les travaux de construction du bâtiment destiné à
abriter cet équipement s'engageront au Barp à la fin du premier trimestre 2003. Les
travaux de construction du bâtiment proprement dit emploieront 600 à 800 personnes. Mais
un pic de 1 000 salariés présents sur le chantier pourrait être atteint vers 2006-2007,
lorsque la construction s'achèvera et que les équipements commenceront à être
installés à l'intérieur de cette enveloppe. La construction. L'édification du
bâtiment, dont le gros oeuvre a été confié à Bouygues, devrait s'étaler sur trois à
quatre ans. Beaucoup des salariés affectés aux tâches de construction devraient venir
de l'extérieur. Les intéressés logeront pour la plupart dans des mobile homes ou des
camping-cars installés dans des campings. Les fournisseurs. L'essentiel des
investissements engagés par le CEA concernera les équipements laser et leurs systèmes
de commande. La construction du Mégajoule va donc induire un énorme flux d'activité
pour des industriels appartenant notamment aux secteurs de l'optique et de
l'électronique. Dix-sept équipementiers ont participé à la construction de la LIL
(ligne d'intégration laser) qui est entrée en fonctionnement cette année et qui
constitue en quelque sorte la préfiguration du Mégajoule à une échelle réduite. La
plupart d'entre eux devaient être reconduits pour le projet en grandeur réelle.
Implantations. Certains équipementiers devront forcément s'installer à proximité du
site CEA-CESTA du Barp, où sera bâti le Mégajoule. Ce sera notamment le cas d'une
partie des fabricants d'optique. Le Mégajoule se composera en effet de quelque 1 000
pièces optiques (miroirs, verres, lentilles), parfois extrêmement chères et
extrêmement encombrantes. Certaines de ces pièces ne pourront être transportées sur de
longues ou moyennes distances en raison des risques de rupture de la chaîne de propreté.
Les réflexions sur la création d'une ou plusieurs zones industrielles spécifiquement
affectées à cette activité sont aujourd'hui bien avancées. D'autres fournisseurs
n'auront sans doute pas besoin d'être aussi proches. Leur installation pourrait donc
s'opérer dans diverses zones existantes ou à créer, réparties entre la banlieue
bordelaise et le bassin d'Arcachon. Christian Frémont a affirmé que l'Etat et les
collectivités locales partageaient la même volonté d'une répartition équitable de
cette manne. On saura, au fil du temps, si ce climat de concorde se pérennise.
Maintenance. Une fois que le Mégajoule aura été construit, sa maintenance induira
pendant vingt ans quelque 300 à 500 emplois permanents confiés à des entreprises
tierces, et dont une bonne partie pourrait concerner la région. Le CEA désignera l'an
prochain l'entreprise qui pourrait jouer le rôle de chef d'orchestre de cet ensemble.
Sciences. Le Mégajoule
pourra dégager dans un espace infiniment restreint une chaleur et une pression
comparables à celles qui existent au coeur du soleil. Il sera ouvert à la recherche
civile. D'ores et déjà, un institut du laser et des plasmas est en cours de
constitution, entre le CEA, le CNRS et l'université. Cet organisme aura deux
localisations : la construction d'un bâtiment devrait démarrer en 2003 sur le campus
talençais de Bordeaux 1, tandis qu'une antenne sera installée au Barp pour préparer des
expériences. Certaines vont pouvoir commencer sans attendre l'entrée en service du
Mégajoule, prévue pour la fin de la décennie. Un laser dit Petawatt d'une durée
infiniment faible (1 millionième de milliardième de seconde) sera prochainement associé
à la LIL pour constituer un centre d'expérimentation déjà pratiquement unique au
monde.
Sud-Ouest - Mercredi 27 novembre 2002
MEGAJOULE.
--Le Mégajoule, qui permettra notamment de simuler une explosion thermonucléaire, ne
sera construit au Barp qu'à partir de 2003. Mais les essais de son prototype miniature
sont déjà en bonne voie.
Les premiers épisodes d'une
grande aventure militaire, scientifique et technologique sont en train de s'écrire au
Barp, en Gironde. Quelque 120 ingénieurs, chercheurs et techniciens concourent depuis
plusieurs mois, sur le site du CEA (Commissariat à l'énergie atomique), à la mise au
point de la LIL (ligne d'intégration laser). Cet équipement n'est que le prototype, à
l'échelle 1/30, du futur Mégajoule dont la formidable puissance permettra de reproduire
certaines conditions d'une explosion thermonucléaire. Mais la LIL, pleinement
opérationnelle fin 2003-début 2004, sera déjà en elle-même un des lasers les plus
puissants du monde. Sans attendre la mise en place du Mégajoule, elle devrait contribuer
à faire de la Gironde une des capitales européennes de la physique des lasers et des
plasmas, ces états extrêmes de la matière qui se caractérisent par une extraordinaire
accélération de la circulation des électrons et des particules. " Voir derrière
le mur ". Le programme Mégajoule vise en quelque sorte à reproduire de façon
infiniment brève les conditions physiques existant au coeur des étoiles et du soleil,
avec des températures de l'ordre de plusieurs dizaine de millions de degrés et des
pressions un million de fois plus importantes que celles de notre atmosphère terrestre.
Pendant le temps de cette réaction, de l'ordre du milliardième de seconde, le minuscule
noyau qui sera la cible de ce véritable bombardement de lumière connaîtra une sorte
d'état chaotique, caractérisé par des densités considérables et la présence de
champs électriques et magnétiques d'une ampleur inouïe. " On aura en quelque sorte
la possibilité d'aller voir derrière le mur ", commente Claude Rullière, directeur
adjoint du CESTA (l'établissement girondin du CEA), en charge des programmes
scientifiques. Visées militaires. Il ne faut pas se leurrer : cette opération, dont le
coût total dépassera 1,5 milliard d'euros, n'a pas uniquement, ni même essentiellement,
des visées scientifiques désintéressées. Sa fonction première est de permettre à la
France de continuer à s'assurer de l'efficacité de sa force de dissuasion, malgré
l'interdiction des essais nucléaires en vraie grandeur. Le Mégajoule, dont la
considérable énergie sera concentrée sur un minuscule noyau de deutérium-tritium (deux
isotopes de l'hydrogène), vise à reproduire à une échelle infinitésimale les
conditions d'une explosion thermonucléaire qui se caractérise par la fusion de noyaux
d'atomes. Ainsi, la direction des applications militaires du CEA pourra-t-elle valider par
l'expérience les modélisations des têtes nucléaires effectuées par ses chercheurs
avec le concours d'ordinateurs figurant parmi les plus puissants au monde. Les moyens
employés pour mettre la matière dans ces états sont considérables. Une fois les
impulsions déclenchées par un pilote, il ne faudra pas moins de 10 000 optiques (miroirs
de réflexion, plaques amplificatrices, etc.) pour augmenter l'intensité des 240
faisceaux qui convergeront sur leur cible après avoir parcouru chacun quelque 450 mètres
en l'espace d'un millionième de seconde. Calendrier respecté. La LIL, aujourd'hui en
phase de montée en puissance, est la maquette de ce futur laser de l'extrême. Sa
conception et sa mise au point constituent cependant déjà des prouesses technologiques.
A ce jour, le programme respecte le calendrier prévu. Les équipes du Barp travaillent
dans le climat d'enthousiasme qui accompagne souvent les grandes avancées technologiques.
" Il y a des moments où il faudrait presque les mettre dehors ", souligne Serge
Durand, directeur du centre. Ces équipes ont déjà pratiqué une vingtaine de tirs et
sont parvenus à produire un soir à 22 heures un faisceau de la dimension prévue
(section de 40 centimètres sur 40 centimètres) atteignant la quantité d'énergie
désirée. Restera ensuite à transférer ce faisceau de l'infrarouge aux gammes de
fréquence du vert, puis de l'ultraviolet, avant de s'attacher par la suite à générer
simultanément quatre puis huit faisceaux. L'exercice n'est pas une sinécure puisqu'il
faudra que la synchronisation de cet ensemble s'opère à 0,3 milliardième de seconde
près. Une fois les processus validés d'ici à un an au moins , ils seront adoptés pour
le Mégajoule qui se composera, en quelque sorte, de trente LIL actionnées
simultanément. La construction du Mégajoule démarrera l'an prochain, mais il faudra
attendre la fin de la décennie avant que ce soleil miniature soit opérationnel.
Sud-Ouest - Mercredi 27 novembre 2002
Si le Mégajoule et la LIL
(ligne d'intégration laser), qui le préfigure, n'avaient pas une fonction militaire,
jamais l'Etat n'aurait dégagé les sommes considérables nécessaires à leur
construction. Mais l'existence de cet énorme potentiel devrait avoir, si l'on peut oser
l'expression, d'importantes retombées scientifiques. Il offrira, en effet, aux physiciens
des possibilités d'expérimentation sans équivalent dans le monde, Etats-Unis mis à
part. Plusieurs grandes disciplines scientifiques devraient bénéficier des possibilités
qui leur seront offertes au Barp. Les géophysiciens et les astrophysiciens pourront, par
exemple, reproduire expérimentalement grâce à la LIL, puis au Mégajoule, certaines
conditions physiques existant au coeur du soleil et des étoiles, ou au centre de la
Terre. Mais il n'est pas impossible que le complexe girondin puisse aussi permettre
d'avancer, dans une certaine mesure, sur la voie des énergies du futur. On sait, en
effet, que la fusion thermonucléaire ne produit quasiment pas de déchets dangereux et
qu'elle utilise de l'hydrogène, un combustible inépuisable. Avec le " Petawatt
". Il ne faut pas rêver, cependant : le Mégajoule n'est pas conçu pour produire un
type d'énergie qui ne pourra, de toute façon, avoir d'utilisation industrielle avant de
longues décennies. Mais l'ensemble du Barp pourrait d'autant mieux faire avancer la
connaissance dans ce domaine que le futur laser géant et la LIL y voisineront, si tout se
passe bien, avec un autre laser hors du commun, dénué, quant à lui, de toute finalité
militaire. Le " Petawatt " sera beaucoup plus petit que le Mégajoule. Mais sa
durée d'impulsion encore plus brève lui permet d'atteindre une intensité encore
supérieure et de devenir un des champions du monde de sa catégorie et un outil de
diagnostic à nul autre pareil. Couplé à ses deux grands voisins dans le cadre
d'expériences civiles, il pourrait en quelque sorte jouer un rôle d'" allumette
" et limiter les énormes quantités d'électricité nécessaires à leur
fonctionnement. On pourra peut-être en tirer des enseignements pour la fusion à usage
civil. Affluence de chercheurs. D'ores et déjà, la présence embryonnaire ou espérée
de ces outils commence à renforcer le potentiel scientifique régional. Une vingtaine de
chercheurs du CEA viennent de rejoindre le laboratoire CELIA (université de Bordeaux 1 et
CNRS) qui se situe dans ce domaine à la pointe de la recherche. Et un Institut des lasers
et du plasma, commun à l'université, au CNRS et au CEA, est en cours de constitution
sous la houlette de son directeur pressenti, Arnold Migus, actuel patron du laboratoire
LULI de Polytechnique. A la fois basé au campus et au Barp, cet organisme assurera en
quelque sorte la liaison entre le complexe girondin et les spécialistes français et
européens du laser et des plasmas, dont plusieurs dizaines, réunis cette semaine à
Bordeaux, ont découvert les possibilités que pourraient leur ouvrir la LIL et le
Mégajoule. Beaucoup d'entre eux seront sans doute conduits à reprendre le chemin de la
Gironde.
Emplois. Le projet s'est déjà traduit par la création ou
le transfert de quelque 300 emplois d'ingénieurs et de techniciens au sein de
l'établissement CEA-CESTA du Barp. Une bonne partie des nouveaux venus habitent sur le
bassin d'Arcachon.
Chantier. La construction du
bâtiment (300 mètres de long, 150 mètres de large) destiné à abriter le futur
Mégajoule débutera au printemps. 600 à 800 personnes y travailleront de 2003 à 2007.
L'effectif total présent sur le chantier pourrait atteindre 1 000 salariés lorsque les
fournisseurs d'équipement commenceront à installer les premières pièces de cet immense
meccano.
Partenaires. CEA, Etat,
Conseil régional et collectivités locales concourent à l'implantation des entreprises
concernées. Pour des raisons logistiques, certains devront s'installer à proximité
immédiate du site. D'autres pourraient élire domicile sur les zones industrielles
réparties entre le sud de l'agglomération bordelaise et le bassin d'Arcachon. L'ensemble
de ces territoires d'accueil potentiels est baptisé Route des lasers. A ce jour,
cependant, aucune implantation n'a été officialisée.
ENERGIE ATOMIQUE. -- Jean-Michel Di-Nicola participe à
l'aventure du laser mégajoule, -- en construction en Gironde. Son équipe détient le
record du monde de production d'énergie
Le laser mégajoule, actuellement en
construction au Barp (Gironde) sur le site du CESTA (Centre d'études scientifiques et
techniques d'Aquitaine), constitue un des grands enjeux scientifiques français, et pas
seulement parce qu'il permettra d'étudier en laboratoire un des processus de l'explosion
nucléaire. Cet instrument doit également permettre à notre pays de devenir le leader
mondial dans le secteur du laser à haute puissance et de ses applications. « Comme le
premier pas sur la Lune. » Chercheur au CEA (Commissariat à l'énergie atomique),
Jean-Michel Di-Nicola est chargé de qualifier le laser prototype appelé LIL (ligne
d'intégration laser). Car, avant la construction grandeur nature qui sera achevée en
2009, on a pris soin de fabriquer l'instrument à plus petite échelle. La LIL se compose
de huit faisceaux et représente 1/30 de ce que sera le mégajoule (lire par ailleurs).
Mais c'est déjà beaucoup puisqu'en avril dernier, avec un seul faisceau en
fonctionnement, le record du monde de production d'énergie a été battu avec 9,5
kilojoules, contre 5 kilojoules pour les Américains du Lawrence Livermore National
Laboratory. Pour Jean-Michel Di-Nicola, jeune chercheur de 32 ans passé par Polytechnique
et l'Ecole nationale supérieure d'ingénieurs de Caen, dont la mission est de préparer
le laser et de valider son efficacité, battre des records c'est important. « Ca l'est
pour l'ensemble des personnes qui travaillent sur le projet, dit-il. Lorsque nous avons
réalisé cette performance, il y avait une ambiance électrique dans la salle de
commande. A notre échelle, c'était un peu comme le premier pas sur la Lune. Le record
matérialise tous les efforts accomplis depuis le début de l'aventure. » La cinquième
force. Pour le commun des mortels, cet enthousiasme à faire tomber des records a
forcément quelque chose d'incompréhensible. Pourquoi donc, se dit-il, déployer toute
cette énergie dans le seul but de martyriser une pauvre petite bille ? C'est alors que
Jean-Michel Di-Nicola quitte la peau du sportif pour reprendre celle du chercheur et
expliquer toute l'importance de cet exploit. « Pendant quelques milliardièmes de
seconde, nous reproduisons un milieu identique à celui d'étoiles situées à des
milliards de kilomètres de la Terre. Si notre vocation est d'abord militaire, notre
projet intéresse aussi les astrophysiciens. Ils auront la possibilité de tester la
cinquième force, qui constitue une des hypothèses de scénario de construction de
l'Univers. » En fait, ce qui se passe actuellement au CESTA pourrait bientôt
révolutionner la science. « Le laser mégajoule est un outil merveilleux pour étudier
la matière et mieux comprendre l'Univers », poursuit Jean-Michel Di-Nicola. « Il ouvre
des possibilités d'exploration dans des domaines jusque-là inconnus de la physique. A
tel point qu'à ce jour, on ne sait pas exactement sur quoi on peut déboucher. Cela
touche aussi bien la thermodynamique que la connaissance et la résistance des matériaux
ou la fusion contrôlée. » Nucléaire sans déchet. Parmi les espoirs ouverts par
cette grande aventure scientifique figure notamment celui de produire un jour de
l'énergie nucléaire sans déchet, ce qui constituerait une avancée considérable pour
sécuriser et dédiaboliser les centrales. C'est cela, plus que les records, qui passionne
Jean-Michel Di-Nicola. C'est de savoir que ses recherches touchent à ce qui se fait de
mieux dans son domaine. « Travailler sur le laser mégajoule, c'est le rêve de tout
laseriste, reconnaît-il. Nous évoluons dans l'extrême des températures, de l'énergie
et du positionnement. Nous sommes à la limite des technologies. »
SUD OUEST 29/01/04
C'est l'un des dix plus gros chantiers de
France du moment. Un investissement d'environ 2 milliards d'euros. Les travaux
préparatoires à la construction du laser Mégajoule au Barp ont commencé l'an dernier.
La centrale à béton installée sur place avait déjà coulé plus de 7 300 mètres cubes
à la fin décembre. La montée en puissance se fait rapidement. D'ici au mois d'octobre,
300 personnes seront employées à la construction du bâtiment. En incluant le second
oeuvre, ce sont près de 800 personnes qui participeront d'ici à 2007 à l'édification
du site d'expérimentation nucléaire. Bouygues
construit et recrute. Le célèbre groupe de BTP, à travers trois sociétés (DV
Construction basée à Bordeaux, Bouygues travaux publics et Quille) a remporté l'appel
d'offres. « La montée en puissance a commencé en pointe notre effectif global sera de
300 compagnons avec un premier pallier fin mars », dit Jean-Wilfried Ferrier, directeur
du projet. Privilégier le recrutement local.
Entre le tiers et 40 % des maçons et des coffreurs sera constitué d'un noyau dur de «
chefs d'équipe et de compagnons connaissant nos procédures de travail ». Pour
l'essentiel, ceux-ci viennent donc du groupe Bouygues. Quant aux autres salariés, ils
feront l'objet d'un recrutement large : embauche locale, régionale et nationale de
personnes formées ou pas, mise en place de stages de formation, recours à l'intérim. Certes, via DV Construction, le groupe Bouygues
souhaite privilégier le recrutement local. « Mais la région Aquitaine ne semble pas
être un bassin de main-d'oeuvre en génie civil », constate Jean-Wilfried Ferrier. Ceci,
ajouté au nombre de chantiers en cours dans l'agglomération bordelaise, accentue la
pénurie. De plus, les métiers du BTP souffrent plus généralement d'une image de
travail pénible. Le secteur, confronté à un vieillissement de ses effectifs ces
dernières années, a entrepris de séduire les jeunes. « Les conditions de travail se
sont bien améliorées sur les chantiers, nous disposons de vestiaires climatisés, nous
fournissons les tenues de travail », plaide Dominique Elluin, directeur des travaux au
Barp (1). Bus et logements. Pour doper les vocations, Bouygues a contacté la Direction
départementale du travail et de l'emploi et l'ANPE, qui a mis en place une équipe et des
stages de formation. En parallèle, il a fallu prévoir une desserte du chantier pour les
salariés ne disposant pas de véhicules. Le Conseil général a accepté de financer une
ligne de bus entre Mios, Lacanau-de-Mios, Marcheprime et Le Barp. Même démarche pour le logement. « Il n'y a pas
de logement social disponible à proximité, nous recherchons donc des solutions avec les
campings et les parcs de loisirs », précise Dominique Elluin. La sous-préfecture a
écrit aux communes du Val-de-Leyre afin de recenser les terrains susceptibles d'être mis
à disposition des entreprises du chantier. Belin-Béliet, Le Barp et Saint-Magne ont
déjà fait des propositions. Reste à viabiliser les terrains. Aux candidats hésitants,
Bouygues fait enfin miroiter des perspectives de carrière dans un secteur dont le plan de
charge est bien garni. « A la fin du chantier, ceux qui le souhaitent pourront nous
suivre ailleurs et entrer à leur tour dans notre noyau dur », ajoute Jean-Wilfried
Ferrier. Malgré cela, depuis novembre, quelques dizaines seulement de personnes ont été
recrutées localement, très peu étaient qualifiées et la majorité a dû être formée.
Certains ont même renoncé en cours de stage. DV
Construction et l'ANPE se préparent à élargir à tous les départements du Sud-Ouest la
zone de prospection. Et toutes les directions du personnel du groupe en France ont été
sollicitées.
(1) Le salaire de base est de 9,70 E de l'heure. S'y ajoutent les
primes de chantier.
Sud-Ouest - Mardi 12 octobre 2004
Recherche -
L'association Alpha vise à tirer parti du futur Mégajoule pour créer des entreprises
Une association
pour les acteurs du laser
Avec le Mégajoule,
en construction au Barp par le Commissariat à l'énergie atomique, l'Aquitaine va abriter
un des deux plus grands lasers du monde. Elle deviendra une des régions phares de la
planète en ce domaine. Encore faut-il que les parties prenantes se mobilisent pour
coordonner leurs efforts. Tel est le but de l'association Alpha (Aquitaine laser
photonique et applications), dont l'assemblée générale constitutive s'est tenue, hier,
au Conseil régional. L'association Alpha a cinq géniteurs : le CNRS, le CEA,
l'université de Bordeaux 1, le Conseil régional et l'Agence de développement
économique 2 ADI. Elle est présidée par André Ducasse, qui a dirigé l'Ecole nationale
supérieure de l'optique. Moyens minimes. Alpha, qui s'appuiera sur des structures
existantes (2 ADI, etc.), sera dotée de moyens financiers minimes. Elle aura pour
vocation d'être un carrefour et un aiguillon pour tous les acteurs actuels et potentiels
de la filière laser. Elle compte parmi ses membres l'Institut lasers et plasmas créé à
l'initiative de l'Etat, du CEA et de la Région, pour favoriser l'utilisation civile des
recherches du Mégajoule, dont la finalité originelle est militaire (simulation
d'explosions thermonucléaires). L'association inclut de grands laboratoires de physique
girondins, comme le Celia ou le CPMOH, à la pointe de la recherche publique. Mais elle
est également ouverte à des unités de recherche utilisant des lasers à des fins
d'exploration physiologique. C'est le cas de la Plate-forme d'imagerie cellulaire
numérique (Picin) de l'université Bordeaux 2, qui scrute les neurones avec une
précision et une rapidité jamais atteintes. Un des buts de l'association sera de faire
en sorte que la présence de cet immense potentiel scientifique débouche sur le
développement d'emplois et d'entreprises. Cette voie est déjà explorée par la
Plate-forme d'application lasers Aquitaine (Pala), créée à l'initiative du laboratoire
de recherche Celia, et qui a déjà contribué à la création de plusieurs jeunes
entreprises. L'association va répondre à l'appel d'offres de la Datar sur les pôles de
compétitivité, avec l'espoir que la filière optique-laser d'Aquitaine bénéficie de la
manne financière qui l'accompagne.
Sud-Ouest - mercredi 17 novembre 2004
LE BARP. -- La
Société d'économie mixte en charge de l'aménagement des zones d'activité proches du
Mégajoule pourrait lancer ses travaux dès le mois prochain
Mégajoule : la Route des lasers est sur les rails
[Isabelle Laporte,
directrice de la Société d'économie mixte, est à la tête d'une équipe restreinte
mais motivée PHOTO LAURENT THEILLET]
Le Barp, où le
Commissariat à l'énergie atomique doit construire le gigantesque Laser Mégajoule
destiné à simuler les explosions thermo-nucléaires, n'en a pas fini avec les grues et
les excavatrices. Tandis que l'immense bâtiment destiné à accueillir le laser sort de
terre, des travaux devraient démarrer d'ici à quelques mois sur la zone contiguë.
C'est, en effet, sur cet espace géré par la nouvelle Société d'économie mixte Route
des lasers (en abrégé SEML) que s'installeront au moins une partie des équipementiers
retenus par le CEA pour développer les éléments du laser. Deux d'entre eux la Sagem et
la Cilas ont déjà été choisis tandis que le CEA mène des discussions avancées avec
plusieurs autres groupes, dont Thales et la Sodern. La SEML, dans l'éclosion de laquelle
le Conseil général a joué un rôle majeur, regroupe toute une kyrielle de
collectivités locales et de partenaires privés (1) ainsi que le CEA. Présidée par Yves
Lecaudey, grand argentier du Conseil général, et dirigée par Isabelle Laporte, elle
s'est fixé un ambitieux programme, dont le déroulement pourrait s'étaler sur une
dizaine d'années. Deux plates-formes « ultrapropres ». Le premier chapitre de ce plan
concerne l'aménagement de la zone de 19,5 ha comprise entre le chantier du Mégajoule et
la départementale 5 reliant Le Barp à Saucats. Elle hébergera entre autres deux
plates-formes « ultrapropres » destinées à monter, dans des conditions de
dépoussiérage draconiennes, des éléments des très longues chaînes lasers dont se
composera le Mégajoule. La construction de la première de ces deux plates-formes, qui
seront respectivement exploitées par la Cilas et la Sagem, pourrait, selon Yves Lecaudey,
commencer le mois prochain. La SEML accueillera plusieurs autres équipementiers, ainsi
que des services communs (électricité, génie climatique, etc.) et l'ILP (Institut des
lasers et plasmas), une structure scientifique chargée de faire en quelque sorte le lien
entre le monde de la recherche publique (CNRS, universités, etc.) et les énormes moyens
d'expérimentation qui seront installés au Barp. « On peut pronostiquer que cette zone
sera occupée à 80 % en 2008 », annonce Yves Lecaudey. La SEML devra, par ailleurs,
réaménager, dès la fin de la décennie, une partie des locaux qu'elle aura fait
construire pour les équipementiers. Certains de ces bâtiments devront, en effet, être
réadaptés aux très lourdes tâches de maintenance des éléments du Laser Mégajoule,
dont le coût d'entretien annuel pourrait atteindre une bonne centaine de millions
d'euros. Bureaux, restaurants, hôtels. D'autre part, la SEML pourrait mener sans doute à
bien l'aménagement de deux autres zones. La première est située entre le CEA et
l'autoroute Bordeaux-Bayonne. Elle aura vocation à héberger des activités tertiaires :
bureaux, restaurants, hôtels, etc. La Société d'économie mixte devrait également
intervenir dans l'agglomération bordelaise pour l'opération Unitec 5 destinée à
héberger à Pessac des PME spécialisées dans l'optique. Ce lourd programme coûtera
évidemment cher. Mais Yves Lecaudey se dit confiant sur la capacité de la SEML à
disposer des ressources nécessaires. La société a, en effet, un capital de quelque 7
millions. L'Europe, le gouvernement et les collectivités locales se sont par ailleurs
proposées de subventionner à hauteur de quelque 23 millions l'aménagement des diverses
zones de cette Route des lasers et la construction de bâtiments industriels. Par
ailleurs, une fois construits, les bâtiments de la première zone, la SEML touchera des
loyers de leurs occupants. Il n'est pas impossible, selon Yves Lecaudey, que la société
doive pour autant recourir à des emprunts bancaires. Des besoins de trésorerie se feront
notamment sentir à l'échéance 2010-2011, lorsqu'une partie des bâtiments devront être
reconvertis en vue des opérations de maintenance du Mégajoule. Mais le président du
Conseil général ne semble pas redouter de grave déséquilibre financier. On saura d'ici
quelque temps si les retombées économiques du Mégajoule sont à la hauteur de ses
espoirs et de ses investissements (2).
(1) La SEML
regroupe notamment le Conseil régional, le Conseil général, la CUB, la communauté
d'agglomération du Sud-Bassin (Cobas), la Caisse des dépôts, la Caisse d'épargne
d'Aquitaine-Nord, le Crédit agricole et Suez.
(2) Le Laser
Mégajoule représente un investissement de près de 2 milliards.
Sud-Ouest - Jeudi 24 février 2005
SIMULATION
NUCLEAIRE - Les expériences
récentes sur le prototype prometteuses pour ce projet visant à recréer la pression et
la température régnant au coeur du Soleil
Le Mégajoule semble bien parti
Le mois dernier, au
Barp, il a régné une température de 1,5 million de degrés, comparable à celle qui
peut exister dans certaines étoiles ou dans des couches périphériques du Soleil. Qu'on
se rassure : la cité girondine n'a pas pour autant été rayée de la carte. Le
phénomène s'est, en effet, produit pendant quelques milliardièmes de seconde à
proximité d'une minuscule cible d'or, protégée par une solide épaisseur de béton. Le
Commissariat à l'énergie atomique, qui a réalisé cette expérience dans son
établissement local, en a mené une autre en parallèle sur laquelle il est moins disert
pour des raisons de secret défense. Ces deux opérations constituent une étape
importante dans le déroulement du pharaonique projet Mégajoule. Mais elles n'en sont que
le hors-d'oeuvre. Le Mégajoule, dont le chantier installé sur le même site occupe
déjà quelque 650 salariés, regroupera trente lasers délivrant chacun au même instant
la puissance maximale du protoype LIL, utilisé pour réaliser ces deux expériences. Il
pourra reproduire pendant un laps de temps infinitésimal les conditions des explosions
thermonucléaires, telles qu'elles sont provoquées par une bombe H. Livré en 2010. Lorsqu'il
s'agit de la dissuasion, les gouvernements comptent moins l'argent et le temps. François
Mitterrand était encore président de la République en 1995 lorsque fut décidé de
lancer le Mégajoule, pièce maîtresse du programme de simulation destiné à faire face
à l'arrêt des essais nucléaires. L'équipement, dont le prototype LIL est donc la
préfiguration au 30e, sera en principe livré en 2010. Entre-temps, sa construction et sa
mise au point auront coûté quelque 2 milliards d'euros. Mais, tout en engendrant un
très fort volume d'emplois directs, la réalisation de cet équipement a déjà drainé
vers la région des flux de cerveaux et de compétences. Les missiles stratégiques
embarqués à bord des avions de combat ou des sous-marins lanceurs d'engin (SNLE)
disposent de têtes nucléaires dont l'existence a, en principe, pour but de décourager
toute menace d'anéantissement de notre territoire. Mais ces armes ne sont crédibles que
si elles sont en état de remplir leur épouvantable mission. Les essais souterrains de
Mururoa permettaient de tester le vieillissement de ces bombes. Ils avaient aussi permis
de valider au fil du temps de nouvelles générations d'armes, adaptées à l'évolution
des missiles. Tests miniatures. En adhérant au traité bannissant les essais
nucléaires, la France s'est privée de ces tests en vraie grandeur. C'est pour les
remplacer qu'elle a décidé de se doter d'un outil provoquant sur une toute petite
échelle la fusion de noyaux d'atomes de deutérium-tritium, deux isotopes de l'hydrogène
6 caractéristique des explosions thermonucléaires. Le problème, c'est que pour arriver
à déclencher ce phénomène de fusion, il faut produire des niveaux de chaleur et de
pression défiant l'imagination. Pour y parvenir, les Français ont choisi la voie du
laser ou plutôt de 240 faisceaux laser produits par trente chaînes et convergeant au
même moment précis vers une minuscule cible contenant les atomes d'hydrogène (lire par
ailleurs). Ce projet sort du commun par son ampleur et la complexité de sa technologie.
Pour le mener à bien, le CEA a transféré sur le site Cesta du Barp son département
lasers de puissance, jusque-là installé à Limeil (Val-de-Marne). Il compte aujourd'hui
300 agents, dont 58 % d'ingénieurs et de cadres. Applications civiles. Bien
qu'essentiellement voué à des missions militaires, le Mégajoule, comme son prototype,
devrait également avoir des retombées scientifiques et technologiques civiles. Car,
comme le prouve déjà l'une des deux expériences réalisées ces dernières semaines,
ces lasers hyperpuissants peuvent mettre la matière dans des états inatteignables par
d'autres voies. Une fois achevé, le Mégajoule pourra ainsi produire des températures et
des pressions carrément analogues à celles régnant non plus dans les couches
extérieures mais au coeur même du Soleil. Le CEA ayant accepté d'ouvrir son site à des
scientifiques extérieurs pour des expérimentations civiles, la Gironde pourrait
notamment voir défiler une partie des astrophysiciens de la planète. Tout en contribuant
à la production d'engins terrifiants, le site du Barp pourrait nous aider à en savoir un
peu plus sur notre Univers.
Sud-Ouest - Jeudi 24 février 2005
240 faisceaux laser
seront mis en euvre
Le Mégajoule
utilise le principe du laser qui est une technique d'émission de lumière stimulée
permettant d'amplifier des faisceaux lumineux et de les faire converger vers un point
très précis. Au départ, la source laser du Mégajoule n'est pas très différente de
celle qui est utilisée sur nos chaînes hi-fi. Mais tout le savoir-faire du CEA et des
équipementiers consiste à faire parcourir au faisceau initial un trajet qui va lui
permettre de se gorger d'énergie avant de venir la délivrer sur sa cible. Gavés
d'énergie. Pour ce faire, le faisceau va être conduit vers une chaîne de 100
mètres de long qu'il va parcourir quatre fois de suite grâce à la réflexion opérée
par de grands miroirs situés en bout de chaîne. Tout au long de ces 400 mètres, il
traversera huit fois des verres dopés avec une terre rare le néodyme et coûtant chacun
quelque 60 000 euros pièce. Juste avant le passage, chaque faisceau, divisé en huit,
aura absorbé l'énergie de 300 lampes-flash qui se seront déclenchées simultanément.
Une fois ainsi gavés, les huit faisceaux produits par la chaîne iront percuter la cible.
Le Mégajoule utilisera 30 chaînes laser comparables à celles que nous venons de
décrire. Chacune d'entre elles produisant donc 8 faisceaux, ce sont en fait 240 faisceaux
qui devront converger, au milliardième de seconde près, vers la minuscule cible. Les 30
chaînes laser, longues de 100 mètres, seront placées de part et d'autre de la sphère
abritant la cible. Une énorme boule creuse. La réalisation de cette sphère,
confiée à la société Cegelec, n'est pas le moindre exploit technologique du chantier.
Compte tenu de son diamètre d'une dizaine de mètres, il était impossible de la
transporter en l'état vers le Mégajoule. Cegelec a donc fait fabriquer cette énorme
boule creuse d'aluminium par quartiers, qui ont ensuite été acheminés vers Le Barp.
Dans un bâtiment affecté à cet usage, ceux-ci ont été soudés sur place par un robot
placé à 10 mètres de hauteur, autour duquel tournaient les parties de la sphère. Ce
premier travail est aujourd'hui achevé, mais Cegelec n'en est pas pour autant au bout de
ses peines. Il lui faut maintenant placer les calottes qui couvriront le haut et le bas de
la sphère puis percer dans l'épaisseur respectable de celle-ci 10 centimètres quelque
260 trous destinés à laisser passer les lasers et les câbles des instruments de mesure.
Cathédrale de béton. Le travail doit ëtre achevé en juin 2006. A cette date, en
effet, le gros oeuvre du bâtiment du Mégajoule sera largement terminé. Et il sera temps
de loger la sphère au coeur de cette cathédrale de béton après l'avoir hissée
au-dessus du toit. Pour ce faire, le CEA a retenu une grue gigantesque, l'un des seuls
engins en Europe à pouvoir soulever à 60 mètres au-dessus du sol cette masse de 130
tonnes. Une fois qu'elle sera arrivée à destination, 200 tonnes de béton seront coulés
autour de cette énorme coquille d'aluminium, destinée à accueillir en son coeur des
températures de plusieurs millions de degrés.
Sud-Ouest - Jeudi 24 février 2005
Quatre hommes clés
du projet
Francis Kovacs,
le physicien Agé de 53 ans, ce spécialiste de la physique des particules a passé
seize ans au CNRS et collaboré à la publication de quelque quatre-vingts articles
scientifiques. Après un passage à la délégation générale à l'armement, il est
arrivé en Gironde en 2000. Il dirige le département des lasers de puissance que le CEA a
transférés de Limeil (Essonne) au Barp à la faveur du projet Laser Mégajoule (LMJ).
300 personnes, dont une moitié d'ingénieurs, concourent avec lui au fonctionnement du
prototype LIL (ligne d'intégration lasers) et à la conception du Mégajoule. « Il y a
au Barp, dit-il, une équipe de très haute volée, rassemblant des spécialistes de
nombreuses disciplines. Vingt laboratoires concourent à la qualité du faisceau produit
par la LIL. Tous les matins, je me lève avec enthousiasme. Faire ce que je fais est une
des plus belles choses dont puisse rêver un physicien. »
Philippe Eyharts,
le pilote du prototype Ce Basque de 50 ans, qui a grandi à Biarritz, a fait des
études de chimie à Toulouse. Toute sa carrière s'est déroulée au CEA. Dès la fin des
années 70, il avait travaillé à la mise au point de cibles destinées à être
percutées par le laser Phebus, grand ancêtre du Mégajoule. Il a ensuite participé au
développement du système hypersophistiqué de radiographie Erix, qui constitue avec le
Mégajoule l'un des grands outils de la simulation nucléaire. Aujourd'hui, il a la
responsabilité du fonctionnement du prototype LIL, qui est déjà le laser le plus
puissant du monde. La mise au point de cet instrument n'a pas été particulièrement
simple. « Pour qu'il fonctionne correctement, dit-il, il faut régler des faisceaux
lasers d'une longueur de 400 mètres au millième de millimètre près. Mais nos grandes
options ont été validées. J'ai une confiance absolue dans la capacité du CEA à
résoudre les problèmes. »
François
Jéquier, l'expérimentateur A 46 ans, ce physicien a consacré l'esssentiel de sa
carrière aux recherches sur la fusion thermonucléaire. Il est lui aussi venu au Barp à
l'occasion du programme LMJ. Aujourd'hui, il est responsable de la conduite des
expériences sur la chaîne prototype LIL. On l'a vue monter morceau par morceau. « Nous
avons rencontré bien des vicissitudes, dit-il. Mais aujourd'hui, nous voyons un premier
aboutissement de ces efforts avec les campagnes de tirs qui ont été faites ces
dernières semaines. Nous avons notamment réussi, pendant environ un dixième de
milliardième de seconde, à provoquer un premier jet de plasma, c'est-à-dire un
phénomène comparable à ce qui se passe au coeur des étoiles. Cette expérience
conforte les simulations que nous avions pu faire. C'est une très grande jouissance. »
Laurent
Schmieder, le bâtisseur Cet ingénieur des Arts et Métiers, passé notamment par le
centre d'essais polynésien de Mururoa, n'a que 38 ans. Et pourtant, le CEA lui a confié
une responsabilité considérable : il dirige le chantier de construction du Mégajoule,
qui rassemble déjà aujourd'hui quelque 650 ouvriers et techniciens. « Quand on me l'a
proposé en 2001, dit-il, j'ai sauté dessus. ce n'est pas le genre de train qu'il faut
laisser passer. » Appuyé par une solide équipe de maîtrise d'ouvrage, Laurent
Schmieder est responsable de la logistique, du contrôle d'accès et de l'ordonnancement
général des travaux. « Il faut arriver, dit-il, à mettre ensemble toutes les pièces
du puzzle. » Malgré l'extraordinaire complexité de la tâche, Laurent Schmieder semble
assumer sans stress excessif la direction de cet ensemble, qu'il compare à une petite
ville. Son plus grand souci ? « Tout ce qui est lié aux personnes, à la sécurité. »
Sur un chantier de cette ampleur, les risques sont évidemment importants. Mais, à ce
jour, aucun accident grave n'est intervenu.
Sud-Ouest - Jeudi 24 février 2005
VAL DE L'EYRE
(33) - Les communes autour du Mégajoule se préparent à accueillir les nouveaux
habitants liés au site. Alors qu'elles subissent déjà une forte pression démographique
Des
villes-champignons
Une
scène presque ordinaire dans le hall de l'hôtel de ville de Salles (Gironde). En grande
discussion, une employée municipale tente de trouver un créneau dans une salle pour une
association. « Ce n'est pas facile », explique-t-elle gentiment à la dame qui
insiste. Une solution sera trouvée. Mais le problème reste entier. Les salles manquent.
Car les associations se sont créées à peu près au rythme de l'arrivée des populations
autour de la rivière Eyre. A Salles, comme à Mios, Marcheprime ou Belin-Béliet, on peut
parler d'un boom démographique. Au Barp, la commune est, par exemple, passée de 3 250
habitants en 1999 à 4 050 aujourd'hui... pour 2 238 en 1982. Dans ces villes-champignons,
qui n'étaient que des villages il y a quarante ans, les chantiers de construction de
lotissements parsèment désormais la campagne. Nouvelles écoles. Le maire de
Salles, Vincent Nuchy, président de la communauté de communes du val de l'Eyre, parle
d'un phénomène « ancien » qui se serait accentué « depuis 2001 ».
Avec une cinquantaine de familles en plus chaque année, la commune doit en priorité
permettre la scolarisation d'enfants de familles qui s'installent au milieu des pins. On
ne compte plus les ouvertures de classes en primaire et maternelle dans le secteur. Une
par an à Salles, par exemple, où l'on est passé de 555 à 666 élèves en trois ans. «
A ce rythme, explique Vincent Nuchy, on va passer de 28 classes aujourd'hui à
44 en 2011. » Telle est la conclusion d'une étude que les élus ont commandée à un
cabinet spécialisé afin d'anticiper cette évolution. Il faut aussi penser aux
collèges. Un nouveau ouvrira à Marcheprime à la prochaine rentrée, tandis que le
permis de construire d'un autre établissement a été déposé à Salles fin 2004. L'effet
Mégajoule à venir. Car cette croissance a effectivement toutes les chances de
perdurer. Le secteur attirait déjà en raison de sa proximité avec Bordeaux et le bassin
d'Arcachon, grâce à l'autoroute. Et des prix de l'immobilier qui étaient jusqu'alors
moins élevés que dans la banlieue bordelaise. Le Mégajoule va de toute évidence
accentuer ce phénomène de migration vers le sud autour de l'A 10. « Je crois que
l'effet Mégajoule n'est pas encore une réalité. La seule véritable retombée directe
est l'élargissement de la départementale 5, souligne Danielle Born, maire du Barp. Sur
la commune, la population augmente continuellement depuis les années 60. Ceux qui sont
arrivés jusqu'à présent appartiennent à des familles qui n'arrivent plus à se loger
à Bordeaux. Mais on sait que le Mégajoule en amènera beaucoup d'autres. » Prix
en forte hausse. Le chantier draine surtout pour l'instant des ouvriers qui cherchent
des logements à louer. Au Barp, un hôtel s'est ainsi transformé en résidence avec de
petites chambres en location. « Les demandes pour des locations sont effectivement
fortes, confirme un agent immobilier du Barp où les agences se sont multipliées en
quelques années. Quant au prix du terrain, on est désormais pas loin de 70 euros
le mètre carré. Parfois, les maisons que l'on construit valent moins chers que le
terrain. » Tel est aujourd'hui le revers de la médaille de cet engouement pour le
val de l'Eyre. Les prix de la location et de l'achat ont flambé en très peu de temps.
Les loyers sont au niveau de la banlieue bordelaise et le foncier a pris plus de 20 %
chaque année. Pression des promoteurs. « Cette inflation est déjà
inquiétante. Mais on peut craindre, avec le Mégajoule et les sous-traitants, une
difficulté supplémentaire pour des revenus moyens. Des cadres habitués aux transactions
de la région parisienne vont encore faire grimper les prix », s'inquiète Danielle
Born. Attirés par une forte demande, les promoteurs ont investi la place. Les permis de
construire ont été signés à tour de bras et les projets sont tout aussi nombreux. « La
pression est permanente, confie Vincent Nuchy. Il devient nécessaire d'exiger
quelques règles d'urbanisme pour penser à l'esthétique de nos communes. Et savoir aussi
dire non aux promoteurs car la commune doit pouvoir ensuite faire face. Le développement
doit nécessairement être mesuré et harmonieux. » Comment faire face. A
Salles comme au Barp, des projets immobiliers ont effectivement été refusés. Les
écoles, les salles, les équipements communaux vieillissants qu'il faut renouveler, la
voirie... : l'urbanisation à outrance a un coût que les impôts nouveaux ne compensent
pas. « Dans une commune comme la mienne, 1 % de fiscalité en plus c'est 20 000 euros,
autrement dit très peu. Seuls et sans aide, il est difficile de faire face à de tels
investissements et à l'entretien que nous devons assurer », résume Vincent Nuchy.
Sur Salles, il y a déjà 56 kilomètres de voies communales. Et la fin de la route n'est
pas pour demain. Le Mégajoule devrait amener encore un peu plus de bitume.
Sud-Ouest - Mardi 15 mars 2005 - JPD
LASERS - Le
pôle optique et lasers paraît modeste au plan civil, mais vise de nouvelles sources
d'énergie
Le
Pétawatt, outil pour la fusion nucléaire
Parmi les dossiers
de pôles de compétitivité déposés en Aquitaine, celui de la route des lasers a peu de
chance d'être retenu dans la première fournée qui sera labellisée cette année. En
revanche, il pourrait très bien obtenir un accessit sous la forme d'un pôle « en
émergence », débouchant rapidement sur un label officiel d'ici deux à trois ans. Et
l'accessit ne serait pas seulement un lot de consolation, mais devrait permettre d'obtenir
rapidement des crédits. André Ducasse, qui préside depuis l'année dernière
l'Association lasers, photonique et applications (Alpha), créée entre les grandes
entreprises du secteur et les laboratoires de recherche, en est persuadé. Cet ancien
directeur du Centre de physique moléculaire optique et hertzienne (CPOMH) à Bordeaux,
qui a ensuite dirigé l'Institut national d'optique à Orsay, est en effet unanimement
reconnu par la communauté scientifique. Applications civiles. La grande affaire,
c'est en effet la construction d'un laser Pétawatt en complément du Mégajoule, qui
permettrait de développer toute une gamme d'applications civiles, notamment dans le
domaine de l'énergie, alors que le Mégajoule du CEA est strictement consacré à la
recherche militaire. En un mot, le Pétawatt, d'une puissance extrême, mais avec une
impulsion très courte, permettrait de déclencher, comme une allumette, la réaction en
chaîne d'une fusion nucléaire pour explorer la possibilité de production d'énergie par
cette voie. La France, qui va développer une autre filière de fusion contrôlée au CEA
de Cadarache avec Iter, tiendrait ainsi « les deux bouts » de cette voie de production
d'énergie entre Le Barp (Gironde) et Cadarache (Bouches-du-Rhône). Le problème, c'est
que le laser Pétawatt coûte 46 millions d'euros. Le Conseil régional, persuadé qu'il
s'agit d'un investissement important, met 15 ME sur la table, avec l'aide de l'Union
européenne, mais il faut trouver le reste. Le pôle de compétitivité, même « en
émergence », pourrait très bien justifier un effort de l'Etat, d'autant que le
Pétawatt, porte du laser Mégajoule sur le civil, aura sans doute d'autres applications
en direction de l'innovation et de l'industrie. Certes encore modeste en termes d'emplois
industriels (440) et de recherche (600), le pôle laser aquitain pourrait, en fait,
déboucher sur des découvertes scientifiques de premier plan et des innovations dans tous
les domaines (énergie, médical). Et on ne peut le construire qu'au Barp, en complément
du Mégajoule.
Sud-Ouest - Lundi
25 avril 2005 - JPD
RECHERCHE - Sur un coût total de 46 millions d'euros, ce projet n'a trouvé, pour l'instant, que 15 millions de financement auprès de la Région et de l'Europe
Le pari du laser
Petawatt
[Photo : François Salin (directeur de recherche au CNRS). « Il faut profiter de l'ouverture que nous offre le CEA ]
Lundi 11 avril, en séance plénière, le Conseil régional a voté à une large majorité, mais après un débat un peu vif, un crédit de 10 millions d'euros pour financer la première phase de construction d'un laser dit Petawatt, c'est-à-dire capable de libérer une énorme puissance, mais en temps extrêmement bref. Un outil scientifique entièrement civil que la division militaire du Commissariat à l'énergie atomique (CEA) a accepté de voir accoler à la ligne d'intégration laser (LIL) qu'il a lui-même construite au Barp, en Gironde. Il est, en effet, hors de question pour l'instant que le Mégajoule en cours de construction soit ouvert à la communauté scientifique civile. C'est donc une porte entr'ouverte par le CEA pour prouver sa bonne volonté vis-à-vis de la recherche civile, geste annoncé par le gouvernement à l'occasion d'un récent comité interministériel d'aménagement du territoire. De plus, le CEA prendra à sa charge tous les frais de fonctionnement et d'exploitation, ce qui est normal puisqu'il est inclus dans une site dévolu à la Défense. Certains scientifiques civils y voient d'ailleurs une limite au projet puisque cet outil ne leur sera ouvert que 20 % du temps. A raison de quatre tirs pas jour en moyenne, cela ne leur permettra, en fait, que quelques dizaines d'expériences par an. Le vote du Conseil régional est intervenu dans ce contexte, mettant au jour des réticences que l'on n'attendait pas. C'est Jean Dionis du Séjour, président du groupe UDF, qui a levé le lièvre en montrant que la convention de financement avec l'Etat et le CEA mettait tous les risques financiers à la charge de la Région. Il interrogeait à ce sujet Alain Rousset : le Conseil régional est-il dans son rôle en prenant la maîtrise d'ouvrage d'un tel projet ? Il s'agit d'une recherche de pointe aux résultats incertains, avec des aléas considérables. Dominique Ducassou, président du groupe UMP, renchérissait : la Région prend un risque considérable, tout en reconnaissant qu'il valait la peine d'être pris. L'UMP allait d'ailleurs voter pour, alors que l'UDF s'abstenait.
Fusion nucléaire. Pour Alain Rousset, il ne faut pas hésiter, pour donner du souffle à cette région, alors qu'il n'y a que deux projets de ce type au monde. En effet, le laser Petawatt doit jouer le rôle d'une allumette sur une cible déjà comprimée par les effets de la LIL et y déclencher la fusion nucléaire. Celle-ci serait donc mise à la disposition des chercheurs civils, et on voit bien qu'une fusion contrôlée ouvre la porte à la production d'énergie bon marché et illimitée.
Dans combien de temps ? Trente à cinquante ans, si on y arrive, répondent les chercheurs. Et on voit bien le dilemme. Les gains potentiels sont gigantesques, mais ils sont aléatoires, et seule la Région accepte pour l'instant de faire le pari. Il faut reconnaître que le CEA, côté civil, est engagé à Cadarache (Bouches-du-Rhône) dans le projet international Iter de recherche sur la fusion contrôlée par une autre voie, celle des réacteurs à confinement magnétique, encore beaucoup plus coûteux.
Une fondation privée. Il n'empêche, il faut trouver de l'argent. 5 millions d'euros de fonds structurels européens auraient dû être programmés pour compléter le financement d'un projet estimé au total à 46 millions d'euros. La dernière réunion du comité de programmation n'a pas pu avoir lieu, trop de dossiers ayant été proposés face à trop peu de crédits restants. Et il manque encore 31 millions d'euros, sans lesquels les 15 millions investis dans la première phase n'auraient servi à rien. Au Conseil régional, on se fait fort de trouver l'argent auprès de grands groupes privés ou publics, sous forme d'une fondation. Pour le professeur André Ducasse, président de l'association Alpha, qui porte le pôle de compétitivité Route des lasers, l'Etat ne pourra rester longtemps indifférent à un tel jeu : « Nous y arriverons », prédit-il.
Pour François Salin, directeur de recherche au
Celia (Centre lasers intense et applications), laboratoire CNRS-CEA-université qu'il a
contribué à créer en 1997 en venant de l'Ecole polytechnique, il ne faut plus hésiter
: « Si je suis à Bordeaux et si le laser s'y est développé, c'est clairement parce que
le CEA y a installé le Mégajoule. Il faut absolument soutenir tout ce qui peut
contribuer à développer ici cette technologie. »